Comme le dit Gaspacho, les choses seraient certainement plus claires si les arbitres faisaient respecter les règles.
Les mauvaises habitudes sont prises parce qu'il y a une sorte de libéralisme des arbitres, ce qui entraîne une forme de déformation du jeu et sa dénaturation.
Un exemple: les rucks et le jeu au sol.
Avec l'évolution du jeu et des joueurs à la fois beaucoup plus physiques et beaucoup plus mobiles, la conservation du ballon est devenue très importante. Dans le jeu actuel, la récupération du ballon n'est pas seulement un fait de jeu mais un lancement comme un autre, et un des moyens par lesquels on peut arriver à déstabiliser une défense, si tant est qu'il devient maintenant beaucoup plus difficile, comme le dit Le Cady, de marquer un essai en première main sans multiplier les temps de jeu.
Du coup, quand une équipe a le ballon, le soutien au porteur a autant d'importance que l'impact éventuel du gars qui avance; d'où la notion de "qualité du soutien" qu'on entend souvent. La qualité en question, c'est la capacité à déblayer autour du porteur. Déjà, on peut constater qu'il y a plus de jeu au sol qu'avant; parce que les défenses sont plus physiques pour faire tomber, et surtout parce qu'aller au sol est le meilleur moyen de conserver. C'est là où l'application des règles pèche: les soutiens sont censés rester sur leurs appuis pour déblayer, sauf que les arbitres interprètent extensivement la possibilité d'aller au sol dans le contact, et permettent aux soutiens de s'affaler allègrement dans le ruck en rendant le ballon injouable pour la défense; les irlandais sont les maîtres techniques de cette phase (parce que pour rester à la limite "acceptable" de la règle c'est tout un art qui se travaille), d'autant plus qu'ils savent le faire collectivement .
Actuellement, les seules pénalisations que l'on voit siffler sur ces phases, c'est quand un soutien vient carrément déblayer sur un côté en tombant dans le camp adverse derrière le ruck, ou quand (et encore) un soutien vient carrément pour faire mal avec un gros rush (coup de tête, coup d'épaule, etc...).
Autre phase jamais sifflée: prise en touche, regroupement debout, le 9 va taper une chandelle d'occupation par-dessus et place des joueurs détachés devant lui sur les côtés du regroupement pour faire obstruction aux défenseurs montant au contre. Dans la règle, c'est faute systématique, position de hors-jeu volontaire par rapport au ballon; soit les joueurs font déjà partie du maul, soit ils sont détachés et restent derrière le 9.
Même chose quand une cocotte se met en place où l'on voit le 9 qui dirige "fixer" des joueurs détachés sur le côté de la cocotte devant le porteur de balle; c'est autant pénalisable que lorsque la cocotte se coupe en deux et qu'on vient "recoller" aux joueurs devant.
Tout ça pour dire que si on laissait à la défense la possibilité de jouer vraiment les ballons dans les rucks et au sol, il y aurait nécessairement plus de joueurs consommés sur ces phases, et donc ... moins de défenseurs au large redéployés ou en second rideau. D'où plus d'espace pour travailler les défenses sans avoir besoin de dénaturer les règles pour favoriser l'attaque (parce que quand même, la règle qui prohibe les en-avants, c'est une des bases du jeu).
Un dernier point: si les défenses ont pris le pas sur les attaques, c'est aussi, à mon sens, parce que dans le placement et le déplacement des joueurs, le jeu est devenu plus stéréotypé, plus fondé sur le physique. C'est pas un hasard si les joueurs réputés pour avoir la capacité de jouer dans les défenses (et de faire jouer après eux) sont des gars du type Mermoz, Giteau, Fofana, Dagg, Poitrenaud ou Fickou, avec leurs qualités d'appuis, de timing et de vitesse, plutôt que les poids lourds qui certes font avancer mais percent rarement et ne font pas toujours jouer après eux faute dans la percussion de pouvoir passer les bras et passer tout court.
Il y a encore quelques années, on voyait des essais marqués par des attaques qui n'avaient pas recours aux passages à vide mais travaillaient le surnombre, les directions de courses qui fixent et créent les intervalles, les courses rentrantes, etc... ça s'est quand même un peu perdu tout ça, on travaille plus sur la multiplication des temps de jeu jusqu'à ce que la défense soit déséquilibrée ou en sous-nombre. C'est moins "créatif" que destructeur par nature; bref on cogne dans le mur jusqu'au trou béant.