Mental d'acier, puissance exceptionnelle, palmarès ébouriffant, les superlatifs se bousculent pour évoquer le meilleur joueur de l'histoire de l'USAP. Confessions d'un Nicolas Mas au bord de la "petite mort".
Dix-sept ans de carrière… Quel est le secret de votre longévité ?
J'ai été sérieux. Je ne suis pas un adepte de la 3e mi-temps. Beaucoup de gens me le reprochent mais, pour moi, ce n'est pas possible de se foutre des torpilles tous les week-ends et de jouer 80 minutes à chaque match, comme je l'ai fait à l'USAP de 28 ans à 31 ans (2008 à 2011).
Qu'est ce qui vous manquera le plus ?
Le vestiaire. C'est un lieu tabou, qui doit rester aux joueurs. Malheureusement, certaines langues sont trop pendues, ça casse le mythe. Les caméras dans le vestiaire, ça me rend fou. Qu'on nous laisse tranquille, même si tout a changé. Aujourd'hui, tu viens aux vestiaires, tu joues, tu rentres chez toi, c'est un vrai job. Le rugby où tu te foutais des coups de tête, c'est fini. Si tu fais ça à tous les matches, tu ressors rincé. Il faut accepter cette évolution mais, personnellement, je ne me sens plus en adéquation. Même si je suis quelqu'un de calme, être assis sagement, ce n'est pas mon truc. J'ai besoin de sentir les mecs investis.
Comme David Marty, vous ne vous reconnaissez plus dans ce rugby ?
Oui, et je l'assume. Avec 'Zaza', on en a vécu des choses… C'est aussi pour ça que j'ai dit stop. Physiquement, le niveau est de plus en plus dur, les gabarits sont énormes, la mêlée a moins d'importance qu'avant, je ne m'y retrouve plus.
Nostalgie, nostalgie… Vous allez parfois sur Youtube ?
Pas du tout. Les souvenirs sont dans ma tête. L'année du titre, en 2009, je me disais qu'on ne pouvait pas perdre, on avait une force intérieure, c'était fabuleux.
Avez-vous conscience d'avoir rendu sa fierté au Département en remportant le Bouclier de Brennus après 54 ans d'attente ?
Bien sûr. On était les vilains petits canards du rugby français, mais les résultats, il n'y a que ça qui compte. On avait une génération dorée qui était très sensible à ce qu'il y ait beaucoup de Catalans dans le groupe. Pour nous, c'était fondamental. Je reconnais que c'est plus difficile aujourd'hui, mais il faut essayer de faire perdurer ça.
A quoi rêviez-vous quand vous avez atterri à l'USAP en 2000 ?
Je ne suis pas un rêveur. Je bossais dans la maçonnerie avec mon père et je n'ambitionnais pas une carrière pro. Ensuite, il y a du travail mais aussi de la chance. Je suis tombé sur des gars qui m'ont accepté et fait progresser. Olivier Saisset m'a lancé dans le groupe alors que j'étais Reichel. C'était un entraîneur très en avance sur son temps, avec des stats individuelles, débriefing d'après-match… Je me suis régalé durant toute cette période.
Peillard, Konieck, Meya, De Besombes… Étiez-vous impressionné ?
Je ne parlais pas, j'étais le petit. Tous ces mecs, j'allais les voir avec mes parents à Aimé-Giral, sous la tribune Chevallier. Ils avaient dix ans de plus que moi, j'ai toujours aimé côtoyer des gens plus âgés que moi. Ça a peut-être participé à ma maturité.
Votre jeu était différent du leur, moins vicieux, plus discipliné.
Eux allaient au maille et moi, je n'avais pas grand-chose à faire. Je suis sur le terrain comme dans la vie, quelqu'un de calme et posé. Ça a toujours été ma ligne directrice.
Impossible de vous quitter sans évoquer la mêlée, le secteur qui vous fait roi…
Pilier est un poste ingrat et peu apprécié du grand public. Quant à la mêlée, elle est très décriée, on ne cesse de l'aseptiser. Aujourd'hui, c'est de la force pure, il y a moins d'intimidation, de défi. Dommage. Je parle comme un vieux mais j'ai adoré ce face-à-face où personne ne veut plier. À la moindre faute, tu te fais corriger. L'orgueil parle, car tu n'as jamais envie de reculer. En même temps, il faut beaucoup d'humilité, car tu peux être fort à la première mêlée, catastrophique sur la troisième et faire gagner ton équipe sur la dernière.
Didier Sanchez, votre mentor, a de quoi être fier…
Il m'a tout appris. Sans lui, je ne serais pas là où j'en suis. Je le connais depuis l'âge de 17 ans, il m'a toujours soutenu. Je me souviens qu'on allait sur le terrain annexe d'Aimé-Giral, on poussait le joug à 8 heures du soir… (ses yeux brillent.)
- "Pleure pas", lui dit son épouse Marjory.
- "Ouais, mais ça remonte", répond-il dans un sourire innocent.
[h=2]De l'USAP à Montpellier, en repassant par l'USAP…[/h]Le 13 mai, à Lyon, Nicolas Mas ajoutera peut-être une ligne à son palmarès, en remportant avec Montpellier le Challenge européen face aux Harlequins.
Le MHR, son club depuis la saison 2013-14. "Si je pouvais finir sur un titre de champion à Barcelone (le 24 juin), ce serait pas mal aussi", souffle-t-il, alors qu'il n'est pas certain de faire partie du groupe.
Qu'importe, son aventure au MHR l'a déjà plus que satisfait. "Le président Altrad m'a toujours respecté, j'apprécie beaucoup." De quoi appréhender sa 'petite mort' en toute sérénité. Ces derniers mois, l'USAP a pourtant tout tenté afin de lui offrir une dernière pige a casa. En vain. Car 'Le Bus' n'a pas oublié les "conditions horribles" de son départ de Perpignan. "C'est bien de leur part d'avoir effectué cette démarche, malheureusement, je suis rancunier. Les dirigeants de l'époque m'ont dégagé, ça reste une cicatrice. On a dit que j'étais parti pour l'argent mais, si ça avait été le cas, je serais parti bien avant. Mon départ était un signal d'alarme. La suite m'a donné raison, le club est descendu. J'espère de tout cœur que le club remontera un jour en Top 14." Et son avenir dans tout ça ? Une future carrière d'entraîneur ? "Non, même si je ne ferme pas la porte. Là, j'ai envie de profiter de ma famille, j'ai besoin de tout couper."
En attendant, il a prévu de rentrer chez lui, à Cabestany. Avec pour projet de suivre une formation de mécanique, lui l'amoureux des voitures de collection (il possède notamment une Coccinelle Ovale de 1954). "Je vais retourner à l'école", dit-il. En toute humilité.