philippe78
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Un organisme municipal impose aux chômeurs une journée de travail hebdomadaire non rémunérée, s'ils ne veulent par perdre leurs allocations.
De notre envoyée spéciale à Rotterdam
Chacun peut se rendre utile. Et si l'on prétend à une allocation, c'est même obligatoire. Voilà ce que chaque chômeur entend désormais dès qu'il pousse la porte des services sociaux de la ville de Rotterdam. Alors que le premier port d'Europe vient de franchir la barre des 12 % de sans-emploi (le double de la moyenne nationale), «on n'a plus les moyens de payer, explique-t-on à la mairie. Financer l'oisiveté, ce n'est plus possible. Et de toute façon cela ne fonctionne pas. Il nous faut initier un changement complet de mentalité dans la société».
C'est vers un organisme municipal baptisé WerkLoont («le travail paie») que tout nouvel allocataire est d'abord dirigé. Comment rédiger un CV, préparer un entretien, s'habiller convenablement… divers ateliers lui sont proposés. En néerlandais uniquement: l'État ne pouvant plus offrir de cours de langues aux immigrés, ces derniers doivent passer un test dans leur pays d'origine avant d'être admis dans le pays. «Le programme dure 15 semaines, explique Joseph van Bergen Henegouwen, coach. Les gens suivent deux ateliers hebdomadaires, et un jour -huit heures- par semaine, ils doivent travailler gratuitement, pour la commune, à entretenir la voie publique». Mal au dos? Problème de garde d'enfants? Aucune excuse qui tienne. «On trouve toujours un arrangement, tranche-t-il. Il faut qu'ils comprennent que puisqu'ils demandent quelque chose à la communauté, celle-ci leur demande quelque chose en retour. Sinon, un jour notre État-providence cessera tout bonnement de fonctionner».
Au premier accroc, la sanction tombe: l'allocation (860 euros pour un célibataire, 1200 pour un couple) est amputée de 30 %. «Si la personne refuse totalement le job, elle perd tout, poursuit le coach. La plupart du temps, ce sont des gens qui travaillent au noir. Ou qui s'estiment trop diplômés pour balayer les rues… ils sont alors d'autant plus motivés pour trouver un emploi qui leur convienne!» Sur les 2700 chômeurs qui ont suivi le programme l'an dernier, plus de 1160 sont finalement sortis des fichiers: 40 % ont trouvé un véritable emploi, tandis que 60 % ont préféré perdre leurs droits.
Les autres enchaînent avec le programme «Engagement total». Mis en œuvre il y a deux ans dans sept quartiers, il est destiné aux chômeurs de longue durée: à Rotterdam, la moitié des 35.000 sans-emploi le sont depuis plus de dix ans, et la grande majorité d'entre eux ne sont pas qualifiés. «À ces gens tellement éloignés du marché du travail, on dit qu'ils doivent d'abord se prendre en main, précise Nico van Wijk, responsable du programme. Il existe ici quelque 4000 organisations où il est possible de faire des activités socialement utiles! Pourquoi une mère de famille n'irait-elle pas rendre des services à l'école pendant que ses enfants sont en classe? Ou bien un musulman aider à la mosquée? Nous sommes convaincus que chacun y gagne». Là encore, les récalcitrants se font aussitôt rayer des fichiers.
«L'inactivité n'a jamais aidé personne»
Et ne parlez pas d'«esclavage» à ces travailleurs sociaux! «A Rotterdam, municipalité travailliste, tous les partis, sauf l'extrême gauche, sont unanimes, insiste Nico van Wijk. Ce serait livrer les gens à eux-mêmes qui ne serait pas social! Nos programmes leur apprennent à se lever tôt le matin, leur permettent d'avoir des contacts sociaux, de retrouver une certaine estime d'eux-mêmes, d'améliorer leur maîtrise du néerlandais. L'inactivité n'a jamais aidé personne, elle conduit même à l'incapacité de travailler».
Ramasser les poubelles, cela n'était pas son rêve. Mais aujourd'hui, Mimoun, un petit moustachu de 46 ans, arbore fièrement son tee-shirt orange fluo. Enrôlé il y a trois ans par le projet WerkLoont, il «n'a pas trop rechigné», car il avait son loyer à payer… «Non seulement j'ai été embauché, se félicite-t-il, mais j'ai progressé: maintenant, c'est moi qui conduis la camionnette de ramassage, je gagne 1385 euros, et je peux enfin faire des projets!» Même satisfaction pour Jolanda, ancienne secrétaire aujourd'hui hôtesse dans un commissariat: «Je devenais folle toute seule à la maison!», clame cette blonde quinquagénaire, qui espère que cette période de bénévolat lui permettra de trouver un emploi de réceptionniste… Quant aux habitants de Rotterdam, ils plébiscitent ces programmes, et n'ont jamais été aussi satisfaits de la propreté de leur ville.
Que font les chômeurs qui trouvent les méthodes de la municipalité un peu trop expéditives? «Ils déménagent!, répond, cynique, Nico van Wijk. Sauf que d'autres villes nous ont déjà emboîté le pas…» Alors ils déménagent plus loin. «J'ai plein d'amis qui sont partis en France ou en Belgique, raconte Mimoun. Là-bas, ils sont pas pressurés comme ici! Et puis, qu'ils travaillent ou pas, ils gagnent pareil».
http://www.lefigaro.fr/internationa...--rotterdam-l-oisivete-n-est-plus-toleree.php
De notre envoyée spéciale à Rotterdam
Chacun peut se rendre utile. Et si l'on prétend à une allocation, c'est même obligatoire. Voilà ce que chaque chômeur entend désormais dès qu'il pousse la porte des services sociaux de la ville de Rotterdam. Alors que le premier port d'Europe vient de franchir la barre des 12 % de sans-emploi (le double de la moyenne nationale), «on n'a plus les moyens de payer, explique-t-on à la mairie. Financer l'oisiveté, ce n'est plus possible. Et de toute façon cela ne fonctionne pas. Il nous faut initier un changement complet de mentalité dans la société».
C'est vers un organisme municipal baptisé WerkLoont («le travail paie») que tout nouvel allocataire est d'abord dirigé. Comment rédiger un CV, préparer un entretien, s'habiller convenablement… divers ateliers lui sont proposés. En néerlandais uniquement: l'État ne pouvant plus offrir de cours de langues aux immigrés, ces derniers doivent passer un test dans leur pays d'origine avant d'être admis dans le pays. «Le programme dure 15 semaines, explique Joseph van Bergen Henegouwen, coach. Les gens suivent deux ateliers hebdomadaires, et un jour -huit heures- par semaine, ils doivent travailler gratuitement, pour la commune, à entretenir la voie publique». Mal au dos? Problème de garde d'enfants? Aucune excuse qui tienne. «On trouve toujours un arrangement, tranche-t-il. Il faut qu'ils comprennent que puisqu'ils demandent quelque chose à la communauté, celle-ci leur demande quelque chose en retour. Sinon, un jour notre État-providence cessera tout bonnement de fonctionner».
Au premier accroc, la sanction tombe: l'allocation (860 euros pour un célibataire, 1200 pour un couple) est amputée de 30 %. «Si la personne refuse totalement le job, elle perd tout, poursuit le coach. La plupart du temps, ce sont des gens qui travaillent au noir. Ou qui s'estiment trop diplômés pour balayer les rues… ils sont alors d'autant plus motivés pour trouver un emploi qui leur convienne!» Sur les 2700 chômeurs qui ont suivi le programme l'an dernier, plus de 1160 sont finalement sortis des fichiers: 40 % ont trouvé un véritable emploi, tandis que 60 % ont préféré perdre leurs droits.
Les autres enchaînent avec le programme «Engagement total». Mis en œuvre il y a deux ans dans sept quartiers, il est destiné aux chômeurs de longue durée: à Rotterdam, la moitié des 35.000 sans-emploi le sont depuis plus de dix ans, et la grande majorité d'entre eux ne sont pas qualifiés. «À ces gens tellement éloignés du marché du travail, on dit qu'ils doivent d'abord se prendre en main, précise Nico van Wijk, responsable du programme. Il existe ici quelque 4000 organisations où il est possible de faire des activités socialement utiles! Pourquoi une mère de famille n'irait-elle pas rendre des services à l'école pendant que ses enfants sont en classe? Ou bien un musulman aider à la mosquée? Nous sommes convaincus que chacun y gagne». Là encore, les récalcitrants se font aussitôt rayer des fichiers.
«L'inactivité n'a jamais aidé personne»
Et ne parlez pas d'«esclavage» à ces travailleurs sociaux! «A Rotterdam, municipalité travailliste, tous les partis, sauf l'extrême gauche, sont unanimes, insiste Nico van Wijk. Ce serait livrer les gens à eux-mêmes qui ne serait pas social! Nos programmes leur apprennent à se lever tôt le matin, leur permettent d'avoir des contacts sociaux, de retrouver une certaine estime d'eux-mêmes, d'améliorer leur maîtrise du néerlandais. L'inactivité n'a jamais aidé personne, elle conduit même à l'incapacité de travailler».
Ramasser les poubelles, cela n'était pas son rêve. Mais aujourd'hui, Mimoun, un petit moustachu de 46 ans, arbore fièrement son tee-shirt orange fluo. Enrôlé il y a trois ans par le projet WerkLoont, il «n'a pas trop rechigné», car il avait son loyer à payer… «Non seulement j'ai été embauché, se félicite-t-il, mais j'ai progressé: maintenant, c'est moi qui conduis la camionnette de ramassage, je gagne 1385 euros, et je peux enfin faire des projets!» Même satisfaction pour Jolanda, ancienne secrétaire aujourd'hui hôtesse dans un commissariat: «Je devenais folle toute seule à la maison!», clame cette blonde quinquagénaire, qui espère que cette période de bénévolat lui permettra de trouver un emploi de réceptionniste… Quant aux habitants de Rotterdam, ils plébiscitent ces programmes, et n'ont jamais été aussi satisfaits de la propreté de leur ville.
Que font les chômeurs qui trouvent les méthodes de la municipalité un peu trop expéditives? «Ils déménagent!, répond, cynique, Nico van Wijk. Sauf que d'autres villes nous ont déjà emboîté le pas…» Alors ils déménagent plus loin. «J'ai plein d'amis qui sont partis en France ou en Belgique, raconte Mimoun. Là-bas, ils sont pas pressurés comme ici! Et puis, qu'ils travaillent ou pas, ils gagnent pareil».
http://www.lefigaro.fr/internationa...--rotterdam-l-oisivete-n-est-plus-toleree.php