Top 14 - "Je ne pense pas être quelqu’un de rêveur" : fin de saison avec l’USAP, management, engagement personnel, les confidences de Franck Azéma
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Franck Azéma s’est longuement confié à L’Indépendant ce lundi 29 avril. L'INDEPENDANT - MICHEL CLEMENTZ
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Publié le 29/04/2024 à 20:48
Propos recueillis par Hugo Bové et Guilhem Richaud
Deux jours après la belle victoire sur la pelouse de Montpellier (20-25), Franck Azéma a accepté de se poser pendant 45 minutes pour balayer l’actualité du club. Le coach de l’USAP parle de son équipe, d’une possible qualification et de sa façon de manager. Sans détour.
Après la victoire à Montpellier (20-25), le maintien en Top 14 est quasiment assuré. L’USAP a-t-elle réussi sa mission ?
Elle sera réussie quand ce sera fait mathématiquement. Aujourd’hui, notre objectif c’est de se projeter sur le prochain match contre Clermont
(samedi 11 mai à 15 h, NDLR). C’est une réalité. On est dans une bonne dynamique positive et c’est important de la faire grossir et de continuer à l’entretenir. Mais quand tu es entraîneur, tu sais très bien que tu peux perdre les quatre prochains matches et jouer la 13eplace. Donc je ne vois pas pourquoi on devrait s’écarter de ça. Il faut qu’on sécurise le maintien. Mais ça ne nous empêche pas de regarder devant.
En début de saison, vous étiez le seul, dans Midi Olympique, à pronostiquer l’USAP dans le Top 6 du championnat en fin de saison. Qu’est-ce qui vous faisait penser ça ?
C’est lié à mon caractère et à la connaissance que j’ai des gens qui m’entourent. Je sais l’effectif qu’on a. C’est peut-être trop ambitieux. Mais je ne pense pas être quelqu’un de rêveur.
Justement, quel était l’objectif affiche en interne en début de saison ?
Travailler et se concentrer sur le prochain match, toujours.
Après les quatre premiers matches perdus, avez-vous changé votre discours ou d’objectif ?
Non, rien n’a jamais changé.
Après le début de saison manqué, vous réclamiez du temps. C’était le délai nécessaire pour créer l’amalgame dans le groupe ?
C’est difficile à définir. En règle générale, on dit qu’il faut 18 mois pour essayer d’avoir quelque chose qui commence à tenir la route. Donc on en est encore loin. Mais c’était évident qu’avec la Coupe du monde
(9 joueurs absents, NDLR) et tous les changements dans le groupe, ça n’allait pas se faire en un claquement de doigts. C’était un passage obligé. Il y a eu du déchet et une perte, oui. J’aurais préféré qu’il n’y en ait pas.
Comment jugez-vous les progrès de l’équipe ?
Je trouve que, dans tous les secteurs, tout le monde a envie de s’améliorer. Dans notre façon de jouer, de défendre, dans la conquête, le médical, la préparation physique. Tout le monde a l’ambition d’aider chaque joueur à progresser, à se nourrir, apprendre et de le donner pour l’équipe. C’est important.
Y a-t-il eu un déclic à un moment donné de la saison ?
Je ne sais pas s’il y a eu un déclic. Je pense que c’est venu au fil des semaines, par l’investissement de chacun. Voir que chaque chose que le joueur développe et travaille sur un sujet, eh bien il voit les choses se passer et se réaliser. Et ça nourrit cette énergie-là. Après, bien sûr que quand on était dans une spirale négative, la première victoire contre Toulon
(26-22 le 4 novembre) a été importante. La capacité à gagner à l’extérieur, à Castres
(13-17 le 31 décembre), ça a été aussi important. Tout comme quand on a été capable de faire une série de victoires. Ce sont ces choses-là qui te mettent dans une dynamique positive. Ces trois points-là sont importants selon moi.
Justement, vous parlez de dynamique positive. Vous êtes en plein dedans actuellement. Y a-t-il l’ambition d’aller encore plus loin ?
Je ne sais pas où ça va nous mener ! Aujourd’hui, il reste quatre matches. Et on est focus sur le prochain et sur comment on va se mettre en position de le réaliser. Si on est capable de valider cette rencontre, il nous en restera trois. Et on verra vers où ça nous mène. Aujourd’hui, je pense qu’il y a suffisamment d’équipes qui se projettent sur les phases finales et la qualification. Certains l’annoncent depuis le début du championnat. Nous, pour l’instant, on ne va pas plus loin que ça.
Certains spécialistes parlent d’une équipe en surrégime. Qu’en pensez-vous ?
Je ne pense pas qu’on soit en surrégime. Parce que ça veut dire que tu plafonnes dans ton physique, et je ne pense pas que ce soit le cas. Parce qu’à chaque fois, on a deux matches, un break, deux matches, un break. Donc il n’y a pas cette usure-là. Et on fait attention dans notre gestion. Ensuite, être en surrégime par rapport à notre jeu, ça voudrait dire qu’on n’a pas de certitudes et qu’on ne sait pas où on va. Je ne sais pas qui dit ça, mais non, on ne l’est pas.
Il y a plusieurs mois, vous avez annoncé à certains joueurs qu’ils ne seraient pas conservés en fin de saison. Pourtant, l’immense majorité, à l’image de Kélian Galletier samedi, reste 100 % concernée. Comment êtes-vous arrivé à ce résultat ?
Je pense que c’est la force du vestiaire. C’est le respect qu’ils ont entre eux. L’histoire a commencé bien avant. On récolte les choses de ce qui a été mis en place sur la Pro D2 et sur les deux dernières saisons de Top 14. À l’USAP, il y a toujours eu un vestiaire fort. Mais il faut qu’il soit fort dans le bon sens. Si c’est lié au travail, à la performance et à la compétition, c’est toujours positif. Mais si tu t’écartes de ça, ça ne devient pas un bon vestiaire.
"J’essaie surtout de coller le plus possible à l’identité de l’équipe, du club et des hommes"
Samedi, vous êtes apparus très ému à la fin du match contre Montpellier, alors que vous êtes souvent dans le contrôle. Cette fois, l’émotion a pris le dessus ?
Non. Mais c’est important de partager. Il y avait une communion. On a fait beaucoup d’efforts et il y a un temps pour tout. Là, on avait une semaine sans compétition, alors j’ai voulu en profiter un peu. Mais dès ce lundi, j’ai rebasculé vers le prochain match.
On sent parfois que vous mettez une carapace. C’est pour vous protéger ?
Mon job, c’est d’essayer d’amener tout le monde à se dépasser et progresser. Je ne pense pas jouer un rôle. Je n’ai pas de carapace, j’essaie d’être moi-même et d’être le plus vrai possible avec les gens qui m’entourent. Cela peut peut-être être perçu comme une protection mais je ne suis pas en train de jouer quelque chose.
Vous êtes très posé, très rationnel, et cela dépeint sur votre groupe, qui est exactement dans le même état d’esprit…
J’espère que je transmets de bonnes choses, et notamment ce qui est important pour moi. On joue le championnat le plus costaud au monde. Tu ne peux pas vaciller. Cela veut dire, effectivement, qu’il faut être solide. Mais j’essaie surtout de coller le plus possible à l’identité de l’équipe, du club et des hommes. Je ne crois pas que nous soyons une équipe "plan plan" bloquée sur des process. Je crois que nous avons besoin d’avoir des certitudes, mais aussi de prendre beaucoup d’initiatives et de s’exprimer. Il faut un mélange de tout ça. Je n’aime pas quand c’est blanc ou noir. La vie, comme le rugby, est tout le temps dans le gris.
On dit de vous à Toulon que vous êtes un manager qui sait tirer le meilleur des joueurs. À l’USAP, certains n’ont jamais eu ce niveau de jeu, vous savez les rendre meilleurs ?
Je n’aime pas trop parler de moi… Peut-être que parfois, les étoiles sont alignées. On a un staff qui travaille très fort, qui s’implique beaucoup. Le timing est sans doute aussi bon pour moi. L’équilibre reste fragile, mais il faut en profiter. J’essaie de m’envoyer le plus possible et de transmettre. Si les joueurs adhèrent à ça, tant mieux. Mais je me nourris aussi beaucoup d’eux.
À Toulon, beaucoup vous regrettent, et en plus, sont contents de vous voir réussir à Perpignan. Cela vous touche ?
Oui. Ça fait plaisir. Cela veut dire qu’on est respecté, qu’on fait envie, mais surtout qu’on est sur la bonne voie. Il reste encore beaucoup de choses à stabiliser. On est sur un énorme chantier et je sens que tout le monde a envie de s’investir dedans. C’est aussi pour ça que je voulais mettre en place un projet de territoire.
On doit rester aux aguets, vigilants, mais aussi regarder devant.
Il y a un an, quand vous vous êtes engagé, le club se battait pour rester en Top 14. Aujourd’hui, il joue le Top 6. Pensiez-vous que ça irait si vite ?
On a toujours envie que ça aille vite. Mais j’ai un peu de recul et je sais que ça prend du temps. Après, quand les opportunités se présentent, il faut savoir les saisir. On doit rester aux aguets, vigilants, mais aussi regarder devant.
À l’USAP, avez-vous transposé des choses de vos précédentes expériences ?
Tu ne peux pas refaire deux fois la même chose. En revanche, l’expérience t’aide à gagner du temps. Elle te permet d’anticiper pour ne pas refaire deux fois la même connerie. Mais je ne crois pas que ce soit possible de refaire deux fois les mêmes choses. Sur certains sujets, il y a des similitudes avec ce que j’ai pu connaître à Clermont ou à Toulon, il faut vite les reconnaître, et être capable de se dire que ça ressemble à ce qu’on a connu, mais que ce n’est pas la même chose.
Sinon, que fait Franck Azéma en dehors du rugby ?
J’aime profiter de ma famille. Ce sont des moments privilégiés. J’aime les choses simples, les amis, partager un bon repas… Avec la mer et la montagne, on a aussi un terrain formidable ici et j’essaie d’en profiter.
Avez-vous des relations avec le XIII et les Dragons Catalans ?
Pas suffisamment. J’aimerais aller les voir un peu plus souvent que ce soit en match ou à l’entraînement. Si je peux, cette semaine, j’essaierai d’y passer. J’ai régulièrement Steve
(McNamara, l’entraîneur des Dragons) et Neil (McIlroy, le directeur sportif) au téléphone. Je suis ce qu’ils font parce que ça me plaît, mais aussi parce qu’ils m’ont très bien accueilli à un moment où j’étais à l’arrêt. J’ai passé du bon temps avec eux et ça m’a fait beaucoup de bien. On a sympathisé. Je suis frustré parce que j’aimerais qu’on travaille plus ensemble, mais le décalage des saisons fait que c’est compliqué pour eux comme pour nous.
Que pensez-vous des supporters Catalans?
Ce sont majoritairement des sans dents, des ivrognes et pour être honnête je retiens un supporter particulier qui m’avait dit de faire attention aux olives de Sawailau et au mytho de François, il est originaire de Matemale. Merci à lui.