Vendredi 4 Juillet 2014 sur Marianne.net
PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN MASSA
Pour l’ancien magistrat, la posture victimaire de Nicolas Sarkozy et de ses proches n’a pas lieu d’être. Selon lui, ce que l’ancien président dénonce comme une épreuve n’est que le retour de l’Etat de droit. Et plutôt que de s'agiter, Philippe Bilger estime qu'il devrait "être prié de rester auprès de son épouse et de continuer à donner des conférences au plus offrant" !
Marianne : L’offensive à l’encontre des magistrats peut éventuellement avoir un impact positif pour Sarkozy auprès de l’opinion publique. Néanmoins, est-ce que cette méthode peut aggraver son cas pour ses futures échéances judiciaires ?
Philippe Bilger : S’il n’était impliqué que dans une ou deux affaires, cette offensive pourrait être bénéfique. Or, il est mis en cause dans sept procédures. Sa stratégie devient usée et quand on traine autant d’affaires derrière soi la présomption d’innocence devient peu à peu une présomption de culpabilité. Ensuite, d’après mes informations, la magistrature commence enfin à réagir face à ses attaques et ne devrait plus — comme à l’accoutumée — tendre l’autre joue.
La magistrature a été mise en cause par Nicolas Sarkozy lors de son intervention sur TF1 et Europe 1, mais aussi par ses supporters la veille, et notamment Claire Thépaut, l’une des deux juges d’instruction, membre du Syndicat de la magistrature à qui l’on associe désormais le célèbre « mur des cons ». Pensez-vous qu’il faut, comme le propose Eric Ciotti, interdire aux magistrats d’être syndiqués ?
Non, bien sûr. Cependant, les syndicats doivent donner une image de rectitude en rapport avec leur profession. J’ai dénoncé vigoureusement le « mur des cons » qui confirme la chute libre intellectuelle du Syndicat de la magistrature. Mais cette imbécillité ne doit pas anéantir la crédibilité de l’ensemble d’une profession.
Selon vous, la justice a-t-elle été irréprochable dans cette affaire ? Que pensez-vous de ceux qui estiment que les juges ont usé de la technique dite du « filet dérivant » en plaçant sur écoute Nicolas Sarkozy fin 2013 pour des faits concernant la campagne de 2007 ?
Oui, la justice a été irréprochable. Si je voulais être tatillon, les seuls points qui posent problème sont en rapport avec la proportionnalité et la durée des écoutes. Mis à part ça, les écoutes, outil procédural efficient et profondément légal, ont permis d’identifier la préparation ou la commission d’infractions (trafic d’influences et violation du secret de l’instruction) entre Nicolas Sarkozy, Gilbert Azibert et Me Thierry Herzog. Dans ce cas précis, le rempart du secret professionnel est franchi.
Dans une interview au Figaro, Me Jean-Yves Le Borgne, ancien vice-bâtonnier de Paris, estime que le « régime de la garde à vue a quelque chose d'humiliant » ?
D’ailleurs, l’ancien président n’a pas manqué de s’en plaindre à la télévision. Effectivement, la garde à vue, n’est pas un moment facile à vivre, contraignant pour beaucoup de personnes, mais Sarkozy ne l’a t-il pas cherché ? Depuis sa défaite, l’ex-président n’a eu de cesse de tisser des liens dans les hautes sphères de l’Etat avec un important réseau d’informateurs visant à déstabiliser et influencer les bonnes personnes pour se tirer d’affaires. Cette garde à vue a justement permis d’éviter à Nicolas Sarkozy d’activer ses réseaux et de faire taire son caractère transgressif.
Quelles réflexions sur nos institutions judiciaires vous inspirent in fine cette affaire ?
Je pense que les Français seront ravis de voir que la justice fonctionne désormais. Ces multiples implications d’un ancien président, devraient faire progresser la confiance de la population, non pas dans la politique bien sûr, mais dans la justice. Pendant cinq ans, tous ceux qui hurlent aujourd’hui à l’humiliation de Nicolas Sarkozy, n’ont pas su ce qu’était un Etat de droit. Le rétablissement de cet Etat de droit se fait progressivement depuis mai 2012 et met en difficulté l’ancien président. C’est la revanche de l’Etat de droit contre ce dernier : le roi Sarkozy est de plus en plus nu. Il faudrait aussi que l’UMP fasse de la résistance, que les gens aient les yeux et l’esprit ouvert pour dissocier enfin ce qui relève du jugement politique et du jugement humain. Nicolas Sarkozy devrait être prié de rester auprès de son épouse et de continuer à donner des conférences au plus offrant.
PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN MASSA
Pour l’ancien magistrat, la posture victimaire de Nicolas Sarkozy et de ses proches n’a pas lieu d’être. Selon lui, ce que l’ancien président dénonce comme une épreuve n’est que le retour de l’Etat de droit. Et plutôt que de s'agiter, Philippe Bilger estime qu'il devrait "être prié de rester auprès de son épouse et de continuer à donner des conférences au plus offrant" !
Marianne : L’offensive à l’encontre des magistrats peut éventuellement avoir un impact positif pour Sarkozy auprès de l’opinion publique. Néanmoins, est-ce que cette méthode peut aggraver son cas pour ses futures échéances judiciaires ?
Philippe Bilger : S’il n’était impliqué que dans une ou deux affaires, cette offensive pourrait être bénéfique. Or, il est mis en cause dans sept procédures. Sa stratégie devient usée et quand on traine autant d’affaires derrière soi la présomption d’innocence devient peu à peu une présomption de culpabilité. Ensuite, d’après mes informations, la magistrature commence enfin à réagir face à ses attaques et ne devrait plus — comme à l’accoutumée — tendre l’autre joue.
La magistrature a été mise en cause par Nicolas Sarkozy lors de son intervention sur TF1 et Europe 1, mais aussi par ses supporters la veille, et notamment Claire Thépaut, l’une des deux juges d’instruction, membre du Syndicat de la magistrature à qui l’on associe désormais le célèbre « mur des cons ». Pensez-vous qu’il faut, comme le propose Eric Ciotti, interdire aux magistrats d’être syndiqués ?
Non, bien sûr. Cependant, les syndicats doivent donner une image de rectitude en rapport avec leur profession. J’ai dénoncé vigoureusement le « mur des cons » qui confirme la chute libre intellectuelle du Syndicat de la magistrature. Mais cette imbécillité ne doit pas anéantir la crédibilité de l’ensemble d’une profession.
Selon vous, la justice a-t-elle été irréprochable dans cette affaire ? Que pensez-vous de ceux qui estiment que les juges ont usé de la technique dite du « filet dérivant » en plaçant sur écoute Nicolas Sarkozy fin 2013 pour des faits concernant la campagne de 2007 ?
Oui, la justice a été irréprochable. Si je voulais être tatillon, les seuls points qui posent problème sont en rapport avec la proportionnalité et la durée des écoutes. Mis à part ça, les écoutes, outil procédural efficient et profondément légal, ont permis d’identifier la préparation ou la commission d’infractions (trafic d’influences et violation du secret de l’instruction) entre Nicolas Sarkozy, Gilbert Azibert et Me Thierry Herzog. Dans ce cas précis, le rempart du secret professionnel est franchi.
Dans une interview au Figaro, Me Jean-Yves Le Borgne, ancien vice-bâtonnier de Paris, estime que le « régime de la garde à vue a quelque chose d'humiliant » ?
D’ailleurs, l’ancien président n’a pas manqué de s’en plaindre à la télévision. Effectivement, la garde à vue, n’est pas un moment facile à vivre, contraignant pour beaucoup de personnes, mais Sarkozy ne l’a t-il pas cherché ? Depuis sa défaite, l’ex-président n’a eu de cesse de tisser des liens dans les hautes sphères de l’Etat avec un important réseau d’informateurs visant à déstabiliser et influencer les bonnes personnes pour se tirer d’affaires. Cette garde à vue a justement permis d’éviter à Nicolas Sarkozy d’activer ses réseaux et de faire taire son caractère transgressif.
Quelles réflexions sur nos institutions judiciaires vous inspirent in fine cette affaire ?
Je pense que les Français seront ravis de voir que la justice fonctionne désormais. Ces multiples implications d’un ancien président, devraient faire progresser la confiance de la population, non pas dans la politique bien sûr, mais dans la justice. Pendant cinq ans, tous ceux qui hurlent aujourd’hui à l’humiliation de Nicolas Sarkozy, n’ont pas su ce qu’était un Etat de droit. Le rétablissement de cet Etat de droit se fait progressivement depuis mai 2012 et met en difficulté l’ancien président. C’est la revanche de l’Etat de droit contre ce dernier : le roi Sarkozy est de plus en plus nu. Il faudrait aussi que l’UMP fasse de la résistance, que les gens aient les yeux et l’esprit ouvert pour dissocier enfin ce qui relève du jugement politique et du jugement humain. Nicolas Sarkozy devrait être prié de rester auprès de son épouse et de continuer à donner des conférences au plus offrant.