Ousap
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Ils se sont baptisés "les pigeons". Depuis quelques jours, un petit groupe d'entrepreneurs, allié à plusieurs blogueurs et utilisateurs de Twitter d'obédience libérale, a décidé d'exprimer sa grogne à l'égard du projet de loi de finances et des réformes qu'il contient.
AUTOENTREPRENEURS ET "STARTUPPERS"
Deux éléments distincts, et parfois opposés, s'entremêlent : d'une part, le cas des auto-entrepreneurs, dont les cotisations vont être alignées sur le régime général, alors même que le gouvernement avait amorcé une concertation sur ce régime. Les auto-entrepreneurs vont connaître une hausse de cotisations de l'ordre de 3 %, mais continueront, contrairement à ce que certains soutiennent, d'être exonérés totalement en cas de chiffre d'affaires nul.
Ensuite, selon ce collectif, la taxation des plus-values en cas de revente d'une entreprise serait censée passer de 32 % à 60,5 %. Encore en discussion et non actée, la mesure, qui viserait en fait à soumettre les plus-values au barème progressif de l'impôt sur le revenu (donc non à 60,5 % mais à un taux qui dépendra du montant), et qui prévoit des exceptions pour les PME, ou encore le maintien du statut de "jeune entreprise innovante", fait bondir le milieu de la high-tech et des start-up, où le rachat d'une jeune pousse prometteuse par une grande société fait partie de l'ordinaire.
Lire : L'alourdissement de la fiscalité du capital inquiète les chefs d'entreprise
DES MESURES PAS ENCORE ACTÉES
Parmi les textes qui sont les plus abondamment relayés figure ce billet, écrit par Olivier Bernasson, fondateur de pecheur.com, une PME régulièrement citée comme exemple par Google, et blogueur. Assurant avoir voté Hollande, il y implore son député de modifier le projet de loi de finances, assurant que "les coups portés à l'entrepreneuriat dans le projet de loi de finances 2013 seront, en l'état, fatals". Et d'assurer : "Qui va être assez riche et assez fou pour investir un sou dans une entreprise française désormais ? Qui va être assez riche et assez fou pour donner à une start-up française les moyens de ses ambitions ?"
Le mouvement des "pigeons" réunit donc deux régimes et deux profils d'entrepreneurs très distincts : dans un cas, des auto-entrepreneurs, pour qui c'est souvent un complément de revenu, quand il n'est pas utilisé en lieu et place d'une embauche salariée, dans l'autre des "start-uppers" et entrepreneurs à la tête de plus importantes structures.
Dans les deux cas, ils se mobilisent contre des mesures qui ne sont pas encore actées, puisque la discussion s'ouvre à l'Assemblée sur ce projet de loi de finances.
UN MOUVEMENT APOLITIQUE, MAIS SOUTENU PAR L'OPPOSITION
Qu'importe, expliquent les "pigeons" sur leur groupe Facebook, qui compte plus de 6 000 abonnés : tout cela est le signe d'une "politique anti-économique du gouvernement qui a décidé de prendre les milliers d'entrepreneurs de ce pays pour des pigeons et d'anéantir l'esprit d'entreprendre".
Le mouvement est né vendredi 28 septembre au soir, mais possède déjà son site Internet, defensepigeons.org, enregistré au nom de Yael Rozencwajg, jeune patronne de l'agence de marketing digital Yopps. Il est très relayé sur Twitter, où le "hashtag" (mot-clé ajouté à un tweet) #geonpi a été plusieurs fois parmi les plus populaires en France, tandis que des centaines d'utilisateurs remplaçaient leur photo de profil par celle d'un pigeon.
S'il se défend de toute arrière-pensée politique, et assure être sans représentants ni leaders, le mouvement n'est pas exempt de toute idéologie. Certains des premiers abonnés Facebook à avoir "liké" la page des "pigeons" semblent être sympathisants de l'UMP.
De même, certaines figures proches de l'UMP, comme Samuel Lafont, ancien patron du syndicat étudiant de droite UNI, relayent abondamment le mouvement sur Twitter. Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne ministre, a apporté son soutien également. Néanmoins, ils sont loin d'être seuls, et nombre d'entrepreneurs semblent avoir adhéré spontanément.
UN APPUI MARQUÉ DES LIBÉRAUX
Au-delà de la politique, le mouvement a surtout éveillé la sympathie des militants libéraux du Web. Alors que leurs idées sont peu présentes dans le cénacle politique traditionnel, les libéraux, qui militent pour un Etat le moins présent possible et un marché totalement libre, sont très représentés sur Internet.
Et parmi les plus actifs des "pigeons", on repère sans peine certains de leurs porte-parole : l'anonyme "Bastiat2012", alias Daniel Tourre, ancien candidat d'Alliance libérale et auteur du blog "le libéralisme pour les nuls", ou encore Edouard Fillias, ancien militant RPR et candidat en 2007 au nom d'Alliance libérale.
Chez ces militants, et dans un certain nombre de tweets et de messages Facebook des "pigeons", on peut percevoir qu'au-delà des deux mesures précises qui sont incriminées par les "pigeons", en partie sur des arguments erronés, c'est bien la défense de la culture de l'entreprenariat et de la création d'entreprises qui est en cause, face à un gouvernement PS soupçonné de ne pas aimer les entreprises.
A cet égard, l'écho favorable du mouvement chez certains éditorialistes économiques est symbolique. Stéphane Soumier (BFMTV) a ainsi commencé par relayer le mouvement, avant d'admettre que, au moins sur les auto-entrepreneurs, la "menace" était à relativiser.
lemonde.jp