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Brice Mach - Ancien Talonneur International

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« Il faut que tu arrêtes,
sinon tu finis tétraplégique »

BRICE MACH - ANCIEN TALONNEUR INTERNATIONAL Six mois après l’arrêt prématuré de sa carrière pour un grave problème aux cervicales, alors qu’il venait de signer à l’usap, l’ancien talonneur de Castres se livre. Entre traumatismes, coups de gueule et avenir.

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Propos recueillis par Émilien VICENS
Comment se sont déroulés ces derniers mois depuis l’annonce de votre fin de carrière ?
On avance à pas de loup. Ce n’est pas en six mois que je vais faire le deuil, je le sais. Il y a davantage de jours « sans » que de jours « avec ». Ma carrière s’est arrêtée brutalement.
Je ne sais pas si je m’y ferai, un jour. J’ai passé quinze ans à me construire avec le rugby, à travers le vestiaire. D’arrêter du jour au lendemain, c’est compliqué. Mais j’ai toujours eu la mentalité de regarder devant. J’ai attaqué une formation d’entraîneur. Je m’occupe des cadets de l’Usap et je consulte au niveau des lanceurs également chez les pros. Tout ça en tant que bénévole.
Peu de personnes sont au courant de ce qu’il s’est passé cet été. Pourquoi vous avez dû stopper votre carrière ?
J’avais fait une grosse préparation individuelle, à l’intersaison, pour arriver à Perpignan le plus armé possible. J’ai passé la visite médicale avant de partir en vacances. Puis, le jour du déménagement de Castres, le docteur de l’Usap m’a appelé pour me dire qu’il serait judicieux de passer le voir. Je lui ai dit que je ne serais disponible qu’en début de semaine suivante. Il m’a répondu : « Non, non. Il faut que l’on se voit maintenant. » J’ai commencé à comprendre. Je ne savais pas ce qu’il allait me dire, mais je me doutais que c’était en rapport avec mes cervicales. Je m’imaginais une opération. Mais de là à s’entendre dire : « Il faut que tu arrêtes, sinon, tu finis tétraplégique »… Non, on ne peut pas s’attendre à ça.
Le spécialiste a-t-il été direct lors de son annonce ?
Oui. Il ne m’a même pas dit qu’il serait dangereux de poursuivre ma carrière. Il m’a clairement dit que continuer à jouer au rugby serait un suicide. Je n’ai plus de liquide rachidien au niveau d’une vertèbre et la moelle osseuse risque d’être touchée à chaque choc. On m’a dit que j’avais fait le bon choix mais, en réalité, je n’avais pas de choix. Sur le coup, c’est ma vie qui s’est effondrée. Une part de mes 18 ans, quand j’ai commencé le rugby pro, vivait toujours en moi. Ce jour-là, elle s’est éteinte et je me suis mis à pleurer comme un enfant. Mon rêve de gosse, que je tenais encore du bout des doigts, s’est envolé du jour au lendemain. Et derrière, que me restait-il ? J’avais déjà planifié ma reconversion à 34 ans. Ça tombait bien puisque je venais de signer à Perpignan. Aujourd’hui, j’ai 31 ans et il me manque ces trois années. Il me faut réagir au plus vite. C’est difficile, moralement.
Aviez-vous conscience de difficultés au niveau de vos cervicales ?
Pas vraiment. Je n’ai jamais eu quoi que ce soit depuis mes 16 ans et une triple hernie discale. J’ai joué au rugby comme si de rien n’était. Je n’avais pas de douleurs. Les IRM que j’avais passés n’étaient pas fantastiques, les cervicales avaient un peu morflé, mais c’était plutôt attribué à l’âge qui avance. Je n’avais aucune connaissance de tout ça.
Comment ne vous en êtes-vous pas rendu compte avant ?
Je suis rugbyman, pas médecin. C’est pragmatique de dire ça, mais je n’avais qu’une chose en tête, c’était de jouer au rugby. Il faudrait aller chez le médecin avant d’être malade… Je n’avais pas de douleurs, pourquoi faire des examens ? Les visites médicales étaient obligatoires tous les cinq ans (deux ans depuis cet été, N.D.L.R.). C’est surtout ça que je ne comprends pas. S’il y a trois ans on m’avait dit qu’une opération était possible pour arranger l’état de mes cervicales, je jouerais peut-être encore au rugby. Aujourd’hui, je suis obligé d’arrêter car le moindre coup mal placé m’envoie sur une chaise. Je ne crache pas dans la soupe, je n’en veux à personne, j’aurais aussi dû prendre un peu plus de recul. Mais c’est difficile quand on est dedans. Ce sont des carrières courtes. Et inconsciemment, personne n’a envie d’entendre ces choses-là.
Qu’auriez-vous dû faire différemment ?
Ce qui me ronge le plus, c’est que je ne savais pas. Je ne sais toujours pas depuis quand date ce grave problème et cela fait peut-être des années que je joue avec ce risque.
Cette nouvelle est intervenue après votre signature à l’Usap, votre club de cœur…
J’étais venu ici, à Perpignan, dans l’espoir de faire quelque chose de bon. J’avais signé pour essayer d’apporter ma petite pierre à l’édifice. Ça m’aurait suffi.
Regardez-vous leurs matchs ?
Je me force à regarder jouer ce qui aurait dû être mon équipe, et j’essaie de la regarder froidement. Je ne peux pas couper les ponts du jour au lendemain. Je regarde les matchs d’un œil stratégique, pas humain. Je ne me dis pas : « C’est moi qui devrais porter le numéro 2. » Sinon, je ne vais jamais m’en sortir. Je me suis aussi forcé à aller à Aimé-Giral lors de l’ouverture de la saison contre Bayonne. J’étais entouré par ma famille. Et le club avait fait un gros geste pour moi.
Est-ce un regret de n’avoir jamais porté le maillot catalan chez les pros ?
Bien sûr que c’est un regret. C’était ma principale motivation quand j’ai signé à Perpignan. Toutes les personnes que j’ai croisées pendant ma carrière savent que je suis Catalan et Usapiste. Après Castres, j’avais le choix entre deux équipes (Perpignan et Biarritz, N.D.L.R.) et je me suis rapidement tourné vers l’Usap. Ce club représente toute ma vie, depuis ma naissance. Enfant, j’allais à Aimé-Giral et mon père me portait sur ses épaules, dans le pesage. Ici, le rugby est bien plus qu’un sport et je ressentais le devoir de transmettre cette authenticité de l’Usap. J’avais aussi à l’esprit de boucler la boucle. Mais le destin en a voulu autrement… Il m’a réservé autre chose : je suis arrivé en cadets à Perpignan et aujourd’hui je les entraîne ! On se console avec ce qu’on a.
D’un point de vue personnel, cette blessure vous suit au quotidien. Comment le vivez-vous ?
Ça me suivra jusqu’à la fin de mes jours. Une opération est possible, on parle d’enlever un tiers d’une vertèbre. Je sais qu’un jour ou l’autre je serai obligé de le faire. Aujourd’hui, je regarde quels autres sports je peux pratiquer en loisirs. Je me demande si ce n’est pas trop dangereux. Pareil pour les choses les plus banales de la vie courante. Ça va s’estomper, mais j’y pense encore tout le temps.
Les organismes sont de plus en plus sollicités dans le rugby professionnel. Les joueurs en ont-ils
suffisamment conscience
?
Ils ne se rendent pas comptent qu’ils se mettent en danger. Ceux qui le savent, ce sont les présidents, les médecins… Les joueurs, eux, sont dans leur bulle et ils ne veulent pas entendre cela. J’en veux au système qui a été mis en place. Les décisionnaires de notre sport ne sont pas ceux qui font attention au médical. Et il y a des choses anormales. Par exemple, si je veux, demain, je peux aller jouer en Angleterre. Je ne serai pas assuré par la Fédération et ce sera compliqué de trouver une assurance personnelle, mais dans l’absolu je peux. C’est impensable… On fait quoi ? On continue jusqu’à ce qu’il y ait un mort ou un handicapé sur le terrain ? Je pense que notre sport mérite une autre image. Rien que le fait de mettre les visites médicales tous les deux ans, je trouve que c’est une énorme évolution. Je pense même que cela devrait être tous les ans avec certains sujets à risque.
Souhaiteriez-vous intervenir en ce sens au niveau des instances ?
Si j’en ai les capacités et le potentiel, oui, ça m’intéresserait. Après, c’est une grosse machine qui est en place, difficile à bouger. Je ne suis pas le sauveur de l’humanité ni le sauveur du rugby, mais c’est une cause qui peut m’animer. Je ne voudrais pas changer fondamentalement le rugby. C’est un sport de contacts, mon style de jeu en témoignait d’ailleurs. Je souhaiterais plutôt prendre part à tout ce qu’il y a autour. Quand on voit un joueur qui subit un K.-O., qui n’arrive pas à marcher, qui part cinq minutes dans les vestiaires et qui revient sur le terrain… Et ça m’est arrivé, fréquemment parfois ! On dira pourtant de ce joueur qu’il est un guerrier. Mais qu’on regarde d’abord les études des impacts de ces chocs sur le cerveau ! La vérité, c’est qu’il n’y a plus de guerrier face à la maladie.
Aimeriez-vous devenir entraîneur pour porter ces messages ?
Je prends encore mes marques. C’est un métier, ça ne s’apprend pas comme ça. Et puis j’ai tendance à aller jusqu’au bout des choses. Je me suis fixé des objectifs personnels qui sont assez complexes et assez hauts, au niveau de la philosophie du management. Ça engendre des questions et ce n’est pas en six mois que je trouverai des réponses. Et pourquoi pas me voir chez les Pros ou en Fédérale dans quelques années, dans un projet qui m’intéresse ? Avoir connu cette expérience et ne pas s’en servir, ce serait bête de ma part. Si je peux arriver à la transmettre, j’aurai rempli mon objectif.
 
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